Dans une interview exclusive accordée à Telecom Review Africa, Monsieur Mohammed Drissi Melyani, Directeur Général de l’Agence de Développement du Digital (ADD), a passé en revue les principaux objectifs de la transformation numérique au Maroc. Il a également fourni un aperçu de l’engagement de l’ADD en termes d’impact et de réalisations. Il a détaillé la plateforme « Moukawala Raqmiya» de l’ADD et expliqué la manière dont l’ADD et le CAITA collaborent ensemble pour contribuer au renforcement des objectifs de modernisation.
A quoi la transformation digitale vise principalement au Maroc selon l’ADD ? Et comment collaborez-vous avec d’autres entités pour la promouvoir ?
L’Agence de Développement du Digital lors de sa création, a été chargée, entre autres, de proposer au Gouvernement Marocain les grandes lignes à suivre en matière de développement du digital d’où l’élaboration de la Note d’Orientations Générales pour le développement du digital à horizon de 2025. Cette note a pour objectif de clarifier les orientations stratégiques du Gouvernement du Royaume du Maroc pour le développement du digital au cours des années 2020-2025. Les objectifs assignés à cette note s’articulent comme suit :
- Transformer les interactions avec l’administration publique, en numérisant de bout en bout les parcours usager/entreprise prioritaires, à la grande satisfaction des usagers et des entreprises vis-à-vis des services fournis par l’administration, le taux de satisfaction ayant enregistré plus de 85% ;
- Eriger le Maroc en tant que Hub Digital & Technologique de référence au niveau de l’Afrique, avec notamment une évolution significative dans le classement Online Service Index des Nations Unies (objectif de faire partie du top 3 en Afrique et de figurer parmi les 40 premiers au niveau global) et l’émergence de plus de 2 500 startups au-delà de l’an 2025 ;
- Rendre le Digital accessible à une société plus inclusive et égalitaire, tout en réduisant la fracture numérique, formant une nouvelle génération de 50 000 jeunes talents et développant des initiatives spécifiques dans les secteurs éducatif, sanitaire, agricole et artisanal.
La vision proposée par l’ADD pour le développement du digital au Maroc à l’horizon de 2025 est une approche objective et concertée avec toutes les parties prenantes engagées dans le vaste chantier de la Transformation Digitale. Pour ce faire, et pour entamer le virage numérique et intégrer le processus de la transformation digitale, plusieurs préalables semblent nécessaires, voire même indispensables, pour atteindre les objectifs attendus, notamment le développement d’une architecture digitale intégrée qui, couvrant de nombreux acteurs de l’écosystème, exige un mode de gouvernance efficace définissant le rôle de chaque intervenant, et est dotée d’outils de pilotage et d’indicateurs de performance.
Dans ce même ordre d’idées, en vue d’assurer le développement du digital dans tous les secteurs, il est primordial d’intégrer et d’associer l’ensemble des intervenants dans le déploiement du plan d’actions et d’entamer des activités tant au niveau régional que national. L’ambition est de mieux sensibiliser et informer les acteurs et les bénéficiaires des enjeux multiples du digital et de l’impact positif que la transformation digitale peut avoir sur l’amélioration des services publics fournis aux usagers ainsi que l’importance de promouvoir une nouvelle culture basée sur l’agilité, la transparence, l’efficacité et la confiance numérique.
A signaler que le Nouveau Modèle de Développement (NMD) a révélé le numérique comme levier stratégique pour réaliser les transformations transverses du pays et accélérer l’exécution de nombreux chantiers transformationnels, notamment, des chantiers en faveur d’un accès équitable aux services de l’administration (e-services) et aux services de l’éducation et de la santé, ainsi que de l’inclusion socio-économique et financière.
C’est dans ce contexte que l’ADD intervient pour jouer un rôle clé dans la dynamique que connaissent les écosystèmes publics et privés du digital grâce à un intense effort de promotion et d’accompagnement de la transformation digitale dans le pays. Elle a pour fonction principale de faciliter le consensus autour dudit chantier et de coordonner les actions des acteurs et intervenants sur la base des initiatives ciblées et transverses assurant un climat favorable à la concrétisation de la transition numérique aussi bien pour l’écosystème public que privé.
Pourriez-vous nous donner un aperçu sur l’engagement de l’ADD en termes d’impact et de réalisations ?
Pour ce qui est des impacts et des réalisations, l’Agence s’est engagée à réunir l’ensemble des composantes de l’écosystème digital autour d’une vision ambitieuse qui a pour principale mission de présenter le Digital comme un véritable levier de transformation numérique en faveur d’une Administration publique efficace, d’une économie novatrice et d’une société connectée et plus globale. A travers ses domaines d’intervention, l’ADD a fortement contribué à inspirer une nouvelle dynamique qui consiste à introduire des outils digitaux et à instaurer une nouvelle culture au sein de l’Administration, de l’Entreprise et de la société, à travers les démarches suivantes :
- Premier domaine d’intervention :
Smart Gouvernement
En vue d’accélérer la transformation digitale de l’Administration publique, l’Agence a déclenché un certain nombre de projets catalyseurs de base pour réaliser cet objectif. Elle a développé la plateforme nationale d’interopérabilité GISRE permettant de garantir l’échange sécurisé de données entre les organismes publics. Cette plateforme intègre à ce jour les données de plus de 62 organismes en capitalisant sur 8 cas d’usage (le Registre Social Unifié, Massar, l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO), données juridiques des entreprises). Cette plateforme « GISRE È représente le fondement du chantier de la digitalisation de l’Administration.
Aussi, l’Agence a noyauté l’ADD par une Digital Factory (DF) profitant à l’écosystème, opérant en mode Agile, orientée vers l’innovation et le travail collaboratif pour concevoir et développer des projets novateurs. A travers les activités de la Digital Factory, l’ADD a accompagné et accéléré la transformation digitale à coup de projets structurants tels que:
- La mise en place de la plateformestartuphubmaroc.ma : plateforme destinée à accélérer le développement de l’écosystème des start-ups au Maroc et à installer une vitrine du secteur à l’international, en unissant les différentes parties prenantes autour d’une plateforme digitale accompagnant les start-ups tout au long de leur cycle de vie ;
- Le déploiement de la plateforme Ziaraziara.ma : plateforme développée au profit de la Délégation Générale de l’Administration Pénitentiaire et de la Réinsertion (DGAPR) permettant de digitaliser la gestion des rendez-vous au niveau de l’ensemble des centres pénitentiaires ;
- Le développement de la plateforme E-Himaya e-himaya.gov.ma destinée à la protection des enfants en ligne ;
- La refonte du portail www.mahakim.ma, avec l’association du Ministère de la Justice ;
Dans la foulée, l’ADD a conçu et déployé plusieurs applications et services mutualisés au profit des instances et organismes publics. Ces solutions ont permis de dématérialiser certaines procédures administratives et d’en automatiser d’autres en rendant plus efficace ainsi le temps de traitement en plus des échanges physiques de documents et de courriers administratifs. Il s’agit notamment du Bureau d’Ordre Digital et du E-Parapheur (utilisés aujourd’hui par environ 2000 entités gouvernementales), auxquels s’ajoutent les autres solutions numériques mutualisées tels que Télé Rendez-vous, Télé-inscription, Plateformes de réclamation, Chikaya, Mawiidi, etc.
Aussi, l’Agence a conçu et développé les modules techniques communs du Portail National de l’Administration « Idarati », fondée en vertu de la loi n°55-19 relative à la simplification des procédures et formalités administratives.
Par ailleurs et dans le cadre du renforcement de la confiance numérique, l’ADD a, en collaboration avec la Direction Générale de la Sûreté Nationale, lancé le 1er service d’authentification et d’identification des citoyens pour accéder aux services en ligne fournis aux usagers par les fournisseurs des services (publics et privés).
De plus et s’agissant de la conduite du changement et de l’instauration de la culture digitale, l’ADD a mené une série de sessions de formation, de sensibilisation et d’accompagnement au profit des agents publics des abonnés des plateformes E-Gov, afin de mieux simplifier et de comprendre les concepts des outils digitaux et leur usage et ce, dans le projet de numérisation efficace des services publics fournis aux citoyens. A cette fin, l’ADD a organisé, depuis Avril 2020, plus de 1000 formations avec un nombre moyen de participants de plus de 40 personnes par formation (40 000 fonctionnaires bénéficiaires). Aussi, 150 responsables et acteurs de transformation digitale relevant de plusieurs départements ministériels, établissements publics et collectivités territoriales, ont bénéficié de cette initiative à travers laquelle les meilleures connaissances et les bonnes pratiques techniques, organisationnelles et méthodologiques sont partagées.
Aussi l’ADD collabore avec ses partenaires concernés pour adapter et améliorer les règles relatives au développement du digital et le développement d’une infrastructure numérique adéquate.
- Deuxième champ d’intervention :
Ecosystème numérique et Innovation
En tant qu’orchestrateur et fédérateur de l’écosystème digital, l’Agence a implémenté des projets catalytiques en faveur du tissu entrepreneurial. A cette fin, l’ADD a lancé pour les PME, la plateforme nationale Moukawala Raqmya (www.moukawalaraqmya.gov.ma) visant à évaluer leur maturité digitale (adoptée aujourd’hui par plus de 750 TPE/PME) et la plateforme
(Www.startuphubmaroc.ma) pour mettre en contact plus facilement les startups avec les clients potentiels (plus de 253 startups référencées).
Aussi, elle contribue à l’amélioration de la compétitivité desdites startups grâce au label « Jeune Entreprise innovante » (+ de 380 startups labelisées) permettant aux concepteurs de projets à caractère technologique de bénéficier d’une série de mesures d’appui.
Par ailleurs, cette agence s’active à soutenir l’écosystème entrepreneurial novateur en promouvant le tissu économique des startups lors des événements nationaux et internationaux et ce, par l’organisation et l’animation de hackathons, de conférences et d’événements de grande envergure tels que le Salon International GITEX organisé à Marrakech du 31 Mai au 02 Juin 2023. Placée sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu l’Assiste, cette grande messe mondiale de l’innovation technologique a servi de plateforme d’affaires, de mise en relation commerciale et de promotion de l’écosystème digital à l’échelle nationale et internationale, confirmant ainsi la position du Maroc en tant que centre numérique au niveau continental et international. C’est la première fois que le continent africain abrite cet événement prestigieux après plus de quatre décennies d’existence à Dubai aux Emirats Arabes Unis.
Il importe de noter qu’un accord de partenariat a été conclu en octobre 2022 entre l’ADD et le Dubai World Trade Center pour l’organisation de cet événement au Maroc, et ce pour une durée de 10 ans.
Pour sa 1ère édition, cette manifestation internationale, qui a rassemblé plus de 32 000 visiteurs, 900 exposants et 400 start-ups provenant de plus de 128 pays, a renforcé la position du Maroc en tant que HUB Digital du continent. Aussi, cette 1ère édition répond-t-elle aux Orientations Royales de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’Assiste, visant à promouvoir les ressources de l’Afrique et à développer la coopération SUD-SUD. Grâce à son capital humain qualifié et à la compétitivité de son écosystème digital à l’échelle régionale, le Maroc espère jouer un rôle avant-gardiste en matière de développement numérique en Afrique.
En application de la vision éclairée de Sa Majesté le Roi, cet événement a également mis l’accent sur l’importance de l’investissement dans différents domaines du digital. A ce sujet, plus de 275 investisseurs étrangers ont pris part à cette manifestation, venus pour explorer les multiples opportunités qu’offre le secteur des NTIC pour la création de la richesse et de la valeur ajoutée.
Sur un autre plan, et s’agissant des actions portant sur l’innovation, notamment le volet de l’intelligence artificielle, l’Agence a lancé le programme « Al Khawarizmi È d’appui à la recherche appliquée dans les domaines de l’intelligence artificielle et du big data. Le programme Al Khawarizmi couvre 45 projets de recherche appliquée en IA et des données particulières à travers le financement mais aussi la formation et la supervision de la communauté de recherche de plus de 150 chercheurs et doctorants multidisciplinaires issus de 15 structures de recherche nationales publiques et privées, dans un ensemble de thèmes liés à la propriété intellectuelle et industrielle, l’entreprenariat et l’évaluation.
- Troisième champ d’intervention :
Inclusion sociale et développement humain
L’Agence joue un rôle moteur dans la promotion et la sensibilisation autour du digital à travers des actions ciblées parmi lesquelles :
- L’initiative « Culture digitale/ protection des enfants en ligne», destinée à établir des méthodes de conscientisation et de communication pour promouvoir la culture d’usage approprié du digital et protéger les enfants et jeunes contre les risques qui en découlent.
- La contribution, suivant la stratégie nationale d’inclusion financière parrainée par Bank Al Maghrib, au développement du paiement mobile et à la promotion de ce mode de paiement qui contribue à généraliser le numérique à toute la société.
- Le lancement et le suivi de la plateforme nationale de l’open data « gov.ma» dans le but de renforcer la publication et de réutiliser les données ouvertes et par la suite, de sensibiliser les responsables administratifs.
- Quatrième champ d’intervention :
Environnement et confiance digitale
L’Agence de Développement du Digital aide à développer un environnement favorable à la transformation digitale et ce, en développant surtout les compétences numériques du grand public, des collaborateurs de l’administration et ceux des entreprises par l’adoption de la plateforme e-learning nationale « Academia Raqmya È et la création du centre « IDC Morocco È qui se charge de développer des solutions de transfert des connaissances dans le domaine des technologies de Réalité Virtuelle (RV) et Réalité Augmentée (RA) et ce, au profit des divers programmes d’éducations académiques et de formation professionnelle.
Qu’avez-vous à nous dire de plus à propos de la plate-forme « Moukawala Raqmiya » ?
S’agissant de la mise en œuvre des chantiers prévus dans sa feuille de route, l’Agence de Développement du Digital (ADD), a lancé, avec en partenariat du Ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l’Administration (MTNRA), sa plateforme Moukawala Raqmya qui ambitionne de promouvoir l’usage du digital dans des entreprises marocaines en tant que fondement à la création des richesses et à l’amélioration de la compétitivité.
Cette plateforme, lancée le 1er Juin 2023 à Marrakech en marge de la première édition du GITEX Africa Morocco, fait partie du chantier « Digital PME », qui se centre sur plusieurs initiatives, dont la mise en place de la plateforme Moukawala Raqmya.
- Conscientiser les TPME marocaines à l’importance de la transformation digitale ;
- Faciliter et encourager l’adoption du digital en fonction des recommandations et plans d’actions ;
- Proposer des services à forte valeur ajoutée pour soutenir les TPME en matière de digitalisation
A cette fin, l’Agence de développement du Digital propose à toutes les entreprises TPE/PME d’utiliser gratuitement la plateforme Moukawala Raqmya, en mettant à leur disposition un système d’auto-évaluation de leur maturité digitale et ce, à travers deux types de parcours :
- Parcours Express (5 min) : simple et rapide, cette technique permet d’obtenir des recommandations génériques en fonction du niveau de maturité digitale globale ;
- Parcours Complet (20 min) : plus détaillée et approfondie, cette technique permet de bénéficier de recommandations et de services d’accompagnement personnalisés, en fonction de la taille, secteur d’activité et niveau de maturité digitale.
Le système d’auto-évaluation de la maturité digitale conçu dans le cadre de cette plateforme s’articule sur 4 niveaux de maturité et 6 dimensions d’analyse :
- Stratégie : Définir une stratégie digitale est un facteur clé de succès du projet de transformation digitale ;
- Culture et capital humain : La transformation digitale exige que le changement soit canalisé et que les collaborateurs soient formés. C’est tout une culture digitale à instaurer ;
- Relation Clientèle : Vu les constantes évolutions des modes de vie et de consommation, une évolution continue de la relation clientèle s’impose ;
- Processus : La digitalisation des processus est un bagage important favorable à la compétitivité, performance et rentabilité ;
- Technologie : Les technologies améliorent le travail des collaborateurs et permettent de produire une quantité importante de données exploitables ;
- Sécurité : Pilier indispensable à prendre en compte pour une protection garantie des données de l’entreprise.
Quel est l’apport de la collaboration entre l’ADD et le CAITA dans le renforcement des objectifs de modernisation ?
En marge de la première édition du GITEX Africa Morocco tenu à Marrakech sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, notre pays était honoré d’avoir été élu à la présidence du Conseil des Agences Africaines des Technologies de l’Information (CAITA), relevant de l’Alliance Smart Africa. Cette élection, en ma personne comme Président du CAITA, confirme la place de notre pays à l’échelle continentale et sa contribution à l’épanouissement de l’Afrique comme centre numérique attractif et compétitif.
Le CAITA constitue un point d’appui et d’accompagnement à l’Alliance Smart Africa. Il a pour but premier de promouvoir et de renforcer la coopération dans le domaine du développement du digital à l’échelle du continent africain, de même qu’il aspire à partager les expériences, les bonnes pratiques et l’expertise entre les pays membres.
CAITA devient le quatrième organe consultatif de Smart Africa après les trois autres qui sont le Conseil des Ministres des TIC (CMICT), le Conseil Africain des Régulateurs (CAR) et le Forum du Secteur Privé. Le CAITA élaborera et soumettra au Conseil des Ministres des recommandations sur les normes harmonisées nécessaires à la mise en œuvre des initiatives de Smart Africa.