Malgré une croissance rapide au cours des deux dernières décennies, le secteur des technologies de l'information et de la communication (TIC) en Afrique reste inégal, puisque la plupart des progrès en matière de développement est réalisés dans quelques pays. Du faible taux de pénétration de la téléphonie mobile à la lenteur des débits internet, en passant par les coûts de données excessifs, le rythme de développement empêche une croissance plus rapide du continent.
À présent, l'Afrique se trouve au bas de l'échelle des TIC et cette situation a de graves conséquences tant pour le continent que pour le monde entier. En effet, les TIC renforcent plus rapidement l'économie des pays qui en sont riches que celle des pays qui en sont pauvres, ce qui creuse davantage le fossé du développement entre l'Afrique et le monde industrialisé.
L'Union africaine (UA) reconnaît que le développement du secteur des TIC est un facteur clé de la croissance économique du continent, puisqu'il n'est pas entravé par les déficits d'infrastructure. À partir de cette plateforme, ses secteurs de production et de consommation pourraient franchir des étapes de développement et stimuler l'innovation dans les domaines de la fabrication, du commerce, de l'exploitation minière, de la logistique et de l'agriculture. Alors que le continent entre dans la quatrième révolution industrielle, il confronte plusieurs défis, et la collaboration avec l'Est pourrait stimuler l'innovation.
La fracture numérique : Comment l'Afrique se positionne-t-elle ?
Selon l'International Data Corporation (IDC), le marché africain des TIC devrait passer de 95,4 milliards USD en 2020 à 104,2 milliards USD en 2023, soit un taux de croissance annuel composé de 4,5 %. Il ne représente que 2 % du marché mondial des TIC, mais 8,5 % du PIB subsaharien. Partant d'une base faible, le continent est en train de rattraper son retard pour répondre à une demande en pleine expansion. Bien que plusieurs pays africains aient fait de grands progrès dans le développement de leurs infrastructures et de l'accès aux TIC, le continent est à la traîne des marchés développés et même de bon nombre de ses pairs des marchés émergents. Par exemple, moins de 10 % des familles africains possèdent un ordinateur et à peine plus de 20 % ont accès à l'internet, selon « The Digital Revolution in Africa: Opportunities and Hurdles. »; à cause du déficit d'infrastructures, les vitesses de haut débit sont faibles, tout comme l'accès à la fibre. Par conséquent, les abonnements à la large bande mobile sont 25 fois plus nombreux que les abonnements à la ligne fixe.
En outre, en ce qui concerne les stations de base de transmission cellulaire, les pays développés disposent d'environ un tour de transmission pour 1 000 abonnés, alors que dans des pays comme la Tanzanie et la République démocratique du Congo (RDC), un seul tour permet de prendre en charge environ 3 500 et 6 500 abonnés respectivement, selon « Raconteur : Closing Africa’s infrastructure gap with sustainability at the heart of Helios Towers. » En général, 95 % des consommateurs africains utilisent des services vocaux mobiles pour surmonter le manque d'accès aux lignes fixes, ce qui entraîne une congestion du réseau et une mauvaise qualité de service. De plus, l'offre limitée associée à une forte demande signifie que les fournisseurs de services ont un pouvoir de tarification important, ce qui fait que les coûts des télécommunications en Afrique sont parmi les plus élevés au monde.
Les enjeux des TIC en Afrique
Il y a un manque d'investissement dans les infrastructures, tant dans les réseaux de communication (fibre, données à large bande) que dans le matériel et les appareils qui permettent de participer à ces réseaux. La Banque africaine de développement (BAD) a estimé que sur les 170 milliards de dollars d'investissements annuels nécessaires pour combler le déficit d'infrastructures de l'Afrique, 7 milliards de dollars sont nécessaires chaque année pour le développement du secteur des TIC. La Banque mondiale estime que chaque augmentation de 10 % de la pénétration du haut débit entraîne une augmentation de 2 à 3 % de la croissance du PIB.
Le premier défi est l’infrastructure. Le déficit d'infrastructures TIC en Afrique s'explique par le mauvais état des routes et des infrastructures électriques (ou leur absence) dans certaines régions augmente les coûts d'investissement et réduit les rendements. Les stations de base doivent souvent être installées avec une unité d'alimentation en énergie solaire en raison de l'absence de réseaux électriques fiables. Par exemple, la jungle du Congo (RDC), a obligé la société britannique Helios Towers à installer des tours de téléphonie cellulaire de 90 mètres de haut pour relayer les communications au-dessus de la canopée.
Le deuxième défi est le financement. Cet enjeu est rarement un problème pour les grands projets d'infrastructure TIC, qui sont facilement soutenus par les gouvernements, les donateurs et les entreprises privées internationales. Le véritable défi en Afrique est le financement bancaire ou le soutien des investisseurs pour les jeunes entreprises technologiques et les jeunes entrepreneurs. En général, les banques exigent un plan d'affaires irréprochable et des antécédents solides, et ne sont pas disposées à accorder des prêts contre la propriété intellectuelle (PI), qui est souvent la seule forme de garantie dont disposent les jeunes entreprises, s'il y en a.
Les avantages des investissements dans les TIC iront bien au-delà du secteur lui-même. Le volume du commerce intérieur de l'Afrique est susceptible d'augmenter de manière significative en raison de la création récente de la zone de libre-échange continentale africaine (AfCFTA), qui nécessitera l'utilisation de logiciels TIC pour le commerce international, la fabrication et la logistique. La croissance rapide des volumes de données nécessitera également le développement de centres de données.
L'opportunité Asie / Afrique
La Chine a été l'un des principaux investisseurs dans la croissance des TIC en Afrique. Malgré les inquiétudes des Occidentaux concernant les fuites de données et l'espionnage numérique par des portes détournées, 70 % des données du continent passent par un réseau 4G soutenu par Huawei. De plus, la Chine a cherché à établir une route de la soie numérique, basée sur son propre réseau internet, dans le cadre de l'initiative d'infrastructure Belt and Road de Pékin.
En addition, Singapour aussi a laissé sa marque dans le secteur des TIC en Afrique. CrimsonLogic, une entreprise de TIC basée à Singapour, a participé à plus de 20 projets commerciaux et gouvernementaux numériques sur le continent, à Maurice, au Kenya, en Namibie, au Botswana, au Ghana et en Afrique du Sud. En 2018, elle a signé des accords de collaboration avec la Kenya Trade Network Agency pour un projet de blockchain et a ouvert un hub africain et un bureau de base à Kigali. La société a tiré parti de l'environnement d'exploitation unique des TIC mobiles en Afrique en déployant des services électroniques pour les citoyens au Rwanda, des solutions d'administration en ligne et des projets d'administration judiciaire en ligne.
Les opportunités pour les investisseurs asiatiques dans le secteur des TIC en Afrique sont nombreuses. Au-delà des préoccupations liées à l'influence et aux motivations politiques, les accords de partenariat entre les gouvernements et les entreprises asiatiques et africains sont mutuellement bénéfiques, car ils permettent de réduire les coûts, d'améliorer l'efficacité et d'accélérer les liens commerciaux entre les deux régions. Les besoins de l'Afrique en matière de développement et d'infrastructures sont importants et le renforcement des liens déjà étroits avec les géants asiatiques de la technologie offre un moyen de surmonter les problèmes d'infrastructures existants tout en comblant ces déficits pour le progrès économique des deux régions.